6 décembre 2022

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Temps de lecture : 10 minutes

Énergie : analyse de l’actualité (électricité, gaz, pétrole, charbon…)

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Comme chaque semaine, découvrez l’analyse de nos experts sur l’évolution des prix sur le marché de l’énergie (électricité, gaz, pétrole, charbon…) pour la semaine du 28 novembre 2022.

Marché de l’électricité

Un cadeau empoisonné pour la fin d’année ?

Cette semaine, la courbe de long terme sur les marchés de gros de l’électricité en France maintient sa tendance haussière. En effet, les prix du contrat CAL23 Baseload ont augmenté de +24,71 € en une semaine. Autrement dit, on observe une hausse significative de +5,77 % avec un prix de clôture de 452,71 €/MWh ce vendredi 2 décembre. Le graphique ci-dessous illustre clairement la correction haussière survenue mi-novembre. Notamment tirés par une demande accrue et par une hausse des prix du gaz, les prix de gros de l’électricité devraient se stabiliser avec le redémarrage progressif des réacteurs nucléaires.

Focus sur les volumes d’ARENH demandés pour 2023

La demande d’électricité nucléaire d’EDF au tarif réglementé ARENH pour 2023 par les fournisseurs alternatifs a été de 148,30 TWh, soit une baisse de -7% par rapport à l’année dernière. La quantité disponible étant plafonnée à 100 TWh, cela signifie que le taux d’attribution pour l’année 2023 s’établi à 67,43 % comme l’indique la CRE. Nous pouvons donc d’ores-et-déjà connaître le niveau d’écrêtement qui impactera les factures des consommateurs ayant souscrit à un contrat ARENH pour 2023. La baisse de la demande d’ARENH reflète notamment l’anticipation d’une baisse de la consommation d’électricité en 2023 par les fournisseurs alternatifs. En conséquence, le marché devrait se tendre et faire monter les coûts puisque les fournisseurs sont contraints de s’approvisionner sur les marchés de gros.

Un climat social tendu avec les annonces de coupures

Alors que la période hivernale s’approche, le manque de disponibilité nucléaire fait toujours pression sur la stabilité du réseau en France. Les gestionnaires de réseau et les pouvoirs publics se préparent aux pires scenarii. Tous les regards sont rivés sur les annonces récentes d’éventuelles coupures d’électricité pour cet hiver qui font les gros titres des médias. Un sentiment de panique nationale commence à se faire sentir alors que la probabilité de la survenance des délestages s’accroit. Le président de RTE a néanmoins indiqué que ces coupures sont évitables et ne sont pas une fatalité. L’essentiel est d’éviter un déséquilibre entre production et consommation qui serait insoutenable. Les efforts de sobriété énergétique sont alors mis au premier plan. La consommation d’électricité en France a baissé d’environ -7 % notamment tirée par les industriels, elle devrait être encore plus significative avec la baisse de consommation des ménages.

Ajustement de l’amortisseur électricité

Le gouvernement a ajusté les critères du dispositif « Amortisseur électricité » ce mardi 29 novembre en abaissant le plancher d’accès à l’aide financière après des protestations d’élus.  Annoncée le 27 octobre, cette aide doit entrer en vigueur dès le 1er janvier 2023. Elle vise à soutenir les TPE, PME et établissement publics n’ayant pas accès au bouclier tarifaire à faire face à la flambée des prix. L’Etat a abaissé le plancher à 180 €/MWh (contre 325 €/MWh initialement) : il prendra en charge 50% du montant affecté par la flambée des prix, et ce, jusqu’à un plafond finalement ramené à 500 €/MWh (contre 800 €/MWh jusqu’ici). La réduction maximale sera donc de 160 €/MWh sur la totalité de la consommation. Selon le ministère de la Transition énergétique, cette aide devrait représenter environ 20 % du montant de la facture.

De la même façon que la semaine passée, l’actualité nous porte à penser que les prix de gros de l’électricité vont varier entre 400 €/MWh et 500 €/MWh sur la fin d’année 2022. L’équilibre entre l’offre et la demande est le sujet majeur : entre disponibilité nucléaire et éventuelles coupures d’électricité. La stabilité du réseau reste fragile, et tout évènement imprévu pourrait faire pression sur les prix de gros. Du côté de la demande, malgré une baisse de la consommation d’électricité il semble difficile d’exclure une forte reprise en raison de la thermo-sensibilité française. Du côté de l’offre, la capacité nucléaire a augmenté de 1,2 GW cette semaine, mais elle reste inférieure de 4,6 GW aux prévisions. L’objectif d’EDF de redémarrer 7 réacteurs (7,7 GW) à horizon du 9 décembre est sans aucun doute un facteur essentiel à la baisse des tensions sur le marché et une baisse des prix de gros.

Tristan Baudu, Analyste Pricing

Le spread – écart de prix – entre le CAL23 et le CAL25 a augmenté de 21,34 €/MWh cette semaine en passant de 230,12 €/MWh à 251,46 €/MWh. La divergence des cours confirme qu’il est plus avantageux financièrement d’opter pour une stratégie de long terme. En effet, le choix d’un contrat 36 mois permet de bénéficier d’une baisse de prix significative.

Tristan Baudu, Analyste Pricing
évolution électricité 2022

Marché du gaz

Une volatilité qui repart au gallot

Cette semaine, le prix du gaz a pu subir plusieurs variations inverses d’une journée à l’autre, ce qui témoigne d’un marché du gaz toujours aussi fragile. En effet, les contrats pour une livraison en 2023 (France PEG CAL 2023) ont clôturé à 125,53 €/MWh ce vendredi 2 décembre, soit une hausse de +5,36 €/MWh sur la semaine.

L’objectif principal des pays européens : Diversifier les partenariats

Cette semaine, le gaz a connu d’importantes fluctuations. Du fait d’un hiver qui s’installe progressivement, le marché devient très sensible à chaque facteur extérieur lié à l’actualité. Le seul point positif, les niveaux de stockages de gaz européens qui permettent, pour l’instant, de répondre à une demande croissante. Côté offre, comme nous l’avions dit la semaine dernière, la Russie refusait de fournir du gaz à la Moldavie si celui-ci transitait par l’Ukraine. Ce désaccord, qui a pu être résolu, a rassuré les grands importateurs de gaz européens. En dépit de cette bonne nouvelle, la Moldavie prend ses précautions en signant un nouvel accord avec Energocom concernant son approvisionnement futur en gaz naturel.

À ce sujet, la consommation de cette énergie a augmenté en Allemagne, du fait d’une baisse du rendement éolien, énergie qu’ils sollicitent beaucoup habituellement. Cet élément a pu avoir une incidence sur le prix du gaz. De ce fait, nos voisins allemands assurent leur avenir énergétique. Dans un premier temps, ils investissent dans la logistique. Deux premiers terminaux viennent d’être lancés, et six autres unités flottantes devraient être mises en service d’ici fin 2023. Leur second objectif est donc de pouvoir répondre à leur importante demande de gaz. De ce fait, Trafigura (Entreprise de courtage pétrolier), contracte un prêt de 3 milliards de dollars dans le but de fournir du gaz à l’entreprise allemande SEFE.

Comme nous l’observons maintenant depuis plusieurs semaines, les pertes russes ont complétement déstabilisé l’équilibre offre/demande. En plus des partenariats qui sont signés, les projets gaziers se multiplient dans le but d’augmenter l’offre rapidement et donc d’assurer l’équilibre pour les années à venir.

Pourquoi tous ces projets gaziers ne suffisent pas à stabiliser le prix du gaz ?

Les projets gaziers se multiplient aux quatre coins du monde, dans le but de compenser les importantes pertes russes. En premier lieu, ce point positif aura plus tendance à impacter le prix du gaz sur le long-terme. En effet, certains projets mettent du temps à aboutir. Dans un second temps, les volumes de gaz produits dans certaines régions sont restreints. Aux Pays-Bas, par exemple, le terminal GNL Gate a subi une réduction d’un peu plus de 2 millions de mètres cubes par jour. Cette décision a été prise suite à l’émission maximale du terminal qui était réduite de 990 MWh. Afin de respecter les objectifs environnementaux, les différentes nations se doivent donc d’investir dans du gaz vert. En effet, la France devrait bientôt devenir leader européen du gaz vert, et pourrait passer devant l’Allemagne. Chaque année, le nombre d’usines de biométhane raccordées au réseau gazier est multiplié par deux.

Les Vingt-Sept étudieront vendredi la possibilité de plafonner le prix du gaz à un niveau de prix un peu moins important que la proposition formulée par Bruxelles, que certains pays de l’UE jugent d’ailleurs trop élevée. On passerait donc d’un plafond de 275€/MWh à 264€/MWh. Ce mécanisme, s’il est adopté, pourrait donc permettre de canaliser les mouvements de marché.

Si aucune mesure n’est prise, le prix du gaz naturel serait susceptible de s’éloigner de la barre des 100€/MWh. En effet, le remplissage des stockages de gaz sera compliqué du fait des pertes russes. Par ailleurs, la Chine, grosse consommatrice de GNL, devrait redémarrer son activité pour les prochains mois. Malgré les efforts considérables qui sont faits par l’ensemble des pays européens, les incertitudes concernant l’offre sont encore beaucoup trop persistantes, face à une demande qui devrait augmenter ces prochains mois.

Yanice Meguenni, Analyste Pricing
évolution gaz 2022

Marché du pétrole

Le Brent remonte avec l’entrée en vigueur de l’embargo et le plafonnement

Cette semaine, le prix de l’or noir (BRENT de la Mer du nord, pour une livraison en janvier 2023) remonte pour atteindre 85,57 $/baril le vendredi 02 décembre, soit 1,94 $/baril de plus en une semaine (+ 2,32 %). La demande mondiale reste relativement faible au regard de la récession à venir pour une grande partie des économies mondiales. Du côté de l’offre, la principale actualité reste l’entrée en vigueur de l’embargo européen sur l’importation de pétrole russe par voie maritime, et la prise de décision de la coalition sur le plafonnement du prix d’achat. Par ailleurs, l’OPEP+ décide de maintenir sa réduction de deux millions de barils/jour des objectifs de production et permet au cours de se maintenir à des niveaux acceptables pour le cartel. Même si ces nouvelles divisent le marché, la tendance pourrait plutôt être à la hausse qu’à la baisse ces prochaines semaines. On vous explique.

Embargo et vifs débats sur le plafonnement du prix : 60 $/baril

Adopté par l’UE, les pays du G7, et l’Australie, le plafonnement des prix du pétrole russe dans ces zones économiques devrait entrer en vigueur ce lundi 05 décembre, ou dans les jours qui suivent. Ce plafonnement, qui accompagne l’embargo européen décidé il y a plusieurs mois déjà, doit permettre de restreindre les revenus de la Russie, tout en s’assurant que les livraisons se poursuivent. En effet, le monde est tiraillé entre sanctions économiques et besoins vitaux en énergie, la Russie étant le second exportateur de brut au niveau mondial.

Les livraisons russes vont-elles réellement être stoppées ?

D’ailleurs, la réelle efficacité d’une telle mesure fait toujours débat et divise les opinions. En effet, la Russie pourrait trouver aisément de nouveaux débouchés pour son précieux or noir. C’est déjà le cas pour la Chine et l’Inde, notamment, vers qui les exportations n’ont pas faibli depuis le début de l’année, au contraire. En tout cas, si le contexte économique le permet, ce qui n’est pas le cas actuellement en Chine. Le président Poutine annonce depuis très longtemps l’intention de la Russie de tout simplement stopper toute livraison aux pays signataires d’un tel accord. Même si la menace est réelle, il semble peu probable que la Russie puisse renoncer aux milliards de dollars qu’engendre la vente de ses hydrocarbures. Cela est d’autant plus vrai que l’arrêt complet de la chaîne de valeur comporte un coût supplémentaire (entretien des infrastructures) au manque à gagner déjà important.

Quoi qu’il en soit, une fois adopté, le mécanisme prévoit que seul le pétrole vendu à un prix égal ou inférieur à 60 $/baril pourra continuer d’être livré. Au-delà, il sera interdit pour les entreprises basées dans les pays de l’UE, du G7 et en Australie de fournir les services permettant le transport maritime. C’est donc une mesure forte, mais en théorie pas aussi contraignante qu’il n’y parait. En effet, le plafond fixé à 60 $ le baril permet à la Russie de largement couvrir ses coûts de production. C’est la condition sine qua none pour que la Russie continue d’approvisionner le marché mondial et donc éviter tout mouvement de panique. La mesure, même si elle ne s’avère que symbolique, a déjà porté ses effets sur le marché cette semaine. Même si la hausse reste limitée, le marché a d’ores-et-déjà pris en compte cette nouvelle dans l’équation.

Une demande mondiale faible et l’OPEP+ maintient son niveau de production

La crise sanitaire en Chine est loin d’être terminée et continue de réduire considérablement la demande mondiale. En Europe, la période hivernale s’accompagne aussi d’une recrudescence du nombre de contaminations, même si pour l’heure la situation est bien loin d’être aussi préoccupante qu’en Chine. Le ralentissement économique est toutefois palpable, et les prévisions restent pessimistes.

Ce dimanche 4 décembre, l’OPEP+ s’est réunie une dernière fois cette année pour décider des objectifs de production pour la fin 2023. Sans réelle surprise, la production n’est pas revue à la hausse d’ici la fin de l’année 2023. En revanche, si l’on pouvait s’attendre à une nouvelle réduction de l’offre, le cartel a opté pour le statu quo et maintient le cap décidé en octobre d’une réduction de deux millions de barils par jour. Le marché s’étant relativement stabilisé, la baisse de la production n’a pas été jugée nécessaire, d’autant que les effets du plafonnement des prix du pétrole russe ne sont pas encore connus.

Finalement, le marché reste donc partagé entre pressions exercées sur l’offre et faible demande mondiale. Affaire à suivre.

Loïc Arilaza, Analyste Pricing Team Leader
évolution pétrole 2022

Marché du charbon

Le charbon poursuit son envolée sur le marché à terme

Pour le charbon, les courbes de court terme et de long terme s’orientent à la hausse une semaine supplémentaire. En Europe, le vendredi 02 décembre et pour une livraison en 2023 (Rotterdam API 2 Cal 2023), la tonne de charbon se négociait à 264,90 $/t, soit une variation de +32,92 $/t en une semaine (+ 14,19 %). À court terme, le produit pour une livraison en janvier (Rotterdam API 2 January 2022) gagnait quant à lui 29,85 $/t en une semaine, pour s’établir à 271,30 $/t toujours le 02 décembre. 

Entre hausse de la demande et diminution de la production

Avec la chute des températures en France et sur une bonne partie de l’Europe, la demande d’électricité croît sensiblement. Cette hausse de la demande est à l’origine des hausses conjuguées des prix du gaz naturel et du charbon (notamment pour la production d’électricité). Dans le même temps, la production renouvelable est en recul significatif depuis la fin novembre (éolien et solaire essentiellement). L’appel aux centrales thermiques est désormais incontournable pour répondre aux pics de demandes quotidiens.

Si les coupures de courant ne sont pas à exclure cet hiver, l’appel aux centrales marginales doit permettre de limiter l’impact sur le réseau. Le charbon, en particulier, a pris une part plus importante dans le mix électrique français ces deux dernières semaines. La tendance devrait continuer d’être haussière à l’approche des fêtes de fin d’année.

évolution charbon 2022
Graphique représentant l’évolution des prix du charbon sur l’année 2022

Marché du CO2

Les cours des quotas d’émission continuent sur leur lancée

Le marché européen d’échange de quotas d’émission repart à la hausse. Le vendredi 02 décembre, le contrat de référence EUA Dec. 22 clôturait la semaine à 87,67 €/t, soit 8,81 €/t de plus que le vendredi précédent (+ 11,17 %). Le prix des EUA continue d’évoluer dans le même sens que celui du gaz naturel et du charbon, la demande pour ces deux énergies augmentant avec la chute des températures. Au regard des évolutions constatées ces deux dernières semaines et de l’évolution de la demande, il est raisonnable de penser que le cours des EUA puissent repasser au-dessus de la barre des 90 €/t très prochainement.

D’un point de vue réglementaire, peu de nouvelles majeures cette semaine sur les potentielles réformes du système. Si les objectifs restent inchangés, des efforts sont toujours à fournir pour l’atteinte de ceux-ci. La tarification du carbone restera un levier majeur dans la politique verte européenne (Green Deal).

Selon un récent rapport de l’AIE, la crise énergétique en Europe a mis en exergue la volonté de développer plus rapidement les énergies renouvelables. D’ici à 5 ans, le parc installé devrait progresser de près de 60%. L’Europe doit en effet à tout prix se sevrer de sa dépendance énergétique envers la Russie entre autre.

évolution co2 2022

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