Nos experts de l’énergie analysent cette semaine l’évolution des prix du marché de l’énergie : électricité, gaz, pétrole… Découvrez leur compte rendu de l’actualité ainsi que leurs perspectives de progression pour les semaines à venir dans l’article ci-dessous.
Marché de l’électricité
Les prix de l’électricité diminuent avec la demande
Cette semaine, la tendance à court terme est clairement baissière avec des températures largement au-dessus des moyennes de saison, et donc une demande énergétique globalement en baisse, accompagnée par une relativement forte production renouvelable. Le prix en France pour une livraison le lendemain atteignait en moyenne 183,18 €/MWh le 24 mai 2022, soit 49,37 €/MWh de moins en une semaine. À plus long terme, les contrats pour une livraison lointaine ont connu une relative stabilité, un fait assez rare pour être signalé. La volatilité reste néanmoins présente, toujours sur fond d’inquiétudes concernant la santé et la performance du parc nucléaire français.
Les contrôles se poursuivent sur les centrales nucléaires françaises
En effet, EDF annonçait la semaine dernière devoir arrêter 4 unités supplémentaires pour l’année 2023 : Paluel 2, Penly 2, St-Alban 2 et Cattenom 1, tous les 4 d’une puissance nominale de 1,3 GW. Ces arrêts supplémentaires, jusqu’alors imprévus, permettront de vérifier si les tuyauteries auxiliaires au circuit primaire sont bel et bien touchées par de la corrosion. Il semblerait que le problème provienne d’un défaut de conception de ces tuyaux. Il semblerait par ailleurs que ce problème de conception soit généralisé sur les réacteurs de grosse puissance (car les tuyaux sont plus longs) et que les réacteurs de plus faible puissance (900 MW), les plus nombreux, soient moins impactés. Actuellement, 12 réacteurs subissent des contrôles pour assurer la sécurité nucléaire du parc.
EDF revoit encore sa production nucléaire à la baisse
Le nucléaire reste donc la principale source de préoccupation sur le marché électrique français. En milieu de semaine, EDF revoyait déjà ses prévisions de production à la baisse, encore. L’opérateur historique estime désormais sa production pour l’année 2022 à 280-300 TWh, notamment du fait des contrôles sur une douzaine de réacteurs qui pourrait durer jusqu’en 2024, soit le niveau le plus bas depuis près de 34 ans. Le parc nucléaire français est clairement vieillissant, et EDF est contraint de réviser le planning d’arrêt de 14 réacteurs pour les années 2022 et 2023. La réaction du marché ne s’est pas faite attendre très longtemps, mais elle est restée relativement modeste, les acteurs ayant très certainement anticiper ce genre d’annonces. En effet, depuis plusieurs mois, les problèmes de corrosions avaient été identifiés et il y aura sans doute d’autres annonces à ce sujet pour les mois à venir.
La tendance est à la baisse cette semaine
Ainsi, sur la courbe de long terme, les contrats pour une livraison en 2023 (Cal 2023 FR baseload) en France se négocient à 306,32 €/MWh le vendredi 20 mai, soit une variation de -4,69 €/MWh (-1,51 %) en une semaine. Pour les années suivantes, les contrats pour une livraison en 2024, 2025, et 2026 se négocient respectivement quant à eux à 218,94 €/MWh (+1,94 €/MWh), à 195,25 €/MWh (-0,25 €/MWh), et à 148,28 €/MWh (+1,53 €/MWh) le même jour.
Comme on peut le constater, les tendances de long terme sont mitigées, mais globalement stables, voire à la baisse, et ce en dépit de la morosité ambiante concernant le nucléaire français. Néanmoins, une éclaircie semble se profiler. En effet, au Portugal et en Espagne, le retour en force des prix réglementés sur le gaz (pour la production d’électricité) prévoit de limiter les hausses trop importantes du prix de l’électricité dans ces pays, en permettant de déconnecter (du moins en partie) le prix de l’électricité de celui du gaz, fortement dépendant de la situation géopolitique générale.
La volatilité devrait perdurer cette semaine, mais les prix devraient continuer à s’orienter à la baisse, à court comme à moyen terme. Malgré le fait que les plannings de contrôle et de maintenances imprévues se multiplient sur le parc nucléaire français, le marché semble avoir intégré ce paramètre dans l’équation depuis un bon moment. Par ailleurs, le marché gazier semble lui aussi se stabiliser, ce qui est, en tout cas tant que cela dure, bon signe pour le prix de l’électron.
Loïc ARILAZA, Analyste Pricing Team Leader

Marché du gaz naturel
Une tendance qui apparaît baissière
Les marchés européens du gaz naturel poursuivent la légère tendance baissière entamée la semaine précédente, malgré la guerre en Ukraine, les tensions géopolitiques entre la Russie et l’Union européenne, ou encore les différents embargos sur les hydrocarbures russes. L’Europe a désormais bien entamé les discussions/négociations avec ses nouveaux partenaires énergétiques privilégiés pour compenser la perte induite par les sanctions économiques imposées à la Russie. Le Qatar, notamment, a commencé son « tour d’Europe » pour conclure de nouveaux contrats de fourniture de GNL à moyen et long terme.
Deux géants s’entendent avec la Russie pour régler le gaz en roubles
La Russie, quant à elle, commence à obtenir gain de cause dans l’application de sa procédure de paiement du gaz en rouble, comme elle l’avait décidé et demandé il y a de cela plusieurs semaines. En effet, deux géants européens, l’italien ENI et le français ENGIE, ont vraisemblablement mis les éléments nécessaires en place pour satisfaire les deux camps. La Russie a déjà coupé le gaz à la Pologne et la Bulgarie, les exigences de Moscou ne sont donc pas à prendre à la légère.
Toutefois, ENI comme ENGIE appuient bien sur le fait de vouloir se conformer aux paquets de sanctions prononcés par l’UE, et ainsi ne pas violer la règlementation européenne. Dès lundi, Bruxelles annonçait les modalités de conformité aux paquets de sanctions, tout en permettant aux industriels de continuer à s’approvisionner en gaz russe et ainsi ne pas pénaliser l’activité économique.
Les flux gaziers restent relativement stables
Du côté des flux gaziers, ils sont restés relativement constants à la fois de Russie que de Norvège (sauf peut-être lors des maintenances prévues en milieu de semaine). La demande étant moindre en ce mois de mai, la pression haussière de ces derniers mois semble pouvoir enfin se détendre.
En fin de semaine, les flux russes ont même progressé alors même que le Kremlin annonçait le fait que près de 54 compagnies qui ont des contrats de long terme avec Gazprom avaient ouvert un compte à la Gazprombank, pour pouvoir se conformer aux exigences russes.
Néanmoins, la hausse du prix du charbon pourrait apporter à nouveau des pressions haussières à un marché toujours fragilisé par la situation géopolitique.
Les prix du gaz sont également à la baisse
Sur un horizon lointain, les contrats pour une livraison en 2023 (PEG Cal 2023) se négociaient à 69,937 €/MWh le vendredi 20 mai, soit en baisse de -4,23 €/MWh (-5,70 %) en une semaine. Sur les années 2024 et 2025, le prix de négociation est respectivement de 54,607 €/MWh (-4,39 %) et à 43,456 €/MWh (-1,83 %) le même jour.
Le stockage continue d’avance à un bon rythme pour préparer l’hiver, ce qui laisse présager de bonnes choses pour l’hiver 2022 qui risque tout de même d’être rude.
Le gaz naturel pourrait poursuivre sa légère tendance baissière, malgré la guerre et les tensions géopolitiques. L’Union européenne continue de trouver des solutions de diversification de ses sources d’approvisionnement, et les flux gaziers ne faiblissent pas, ou peu. Il faut toutefois rester vigilent concernant les évolutions du prix du charbon, qui continue d’être très volatile et s’oriente plutôt à la hausse qu’à la baisse.
Loïc ARILAZA, Analyste Pricing Team Leader

Marché des émissions
Le marché des émissions reste très volatile également cette semaine, mais plonge depuis le mardi 17 mai. En fin de semaine, le contrat de référence DEC.22 se négociait à 80,39 €/t le vendredi 20 mai, soit une variation de -8,09 €/t en une semaine.
En cause, la décision de la Commission européenne de vendre près de 20 milliards d’euros de quotas d’émission pour aider à financer la fin de la dépendance de l’UE aux combustibles fossiles. Cette mesure impliquerait la mise aux enchères de 200 à 250 millions de quotas d’ici au 31 décembre 2026. Cette arrivée massive de quotas devrait aider à pousser les prix à la baisse, même si la décision doit encore être validée.

Marchés du pétrole et du charbon
Le prix du pétrole est toujours aussi volatil
L’or noir continue d’être volatile sur fond d’inquiétudes concernant l’activité économique mondiale et la possibilité d’une récession, mais aussi de reprise chinoise qui se précise à la sortie de la crise sanitaire, notamment à Shanghai. Le vendredi 20 mai, le prix du baril de Brent (mois +1) clôturait à 112,55 $/bbl, soit 1 $/bbl de plus que le vendredi précédent. La demande mondiale reste pour l’heure modérée, mais pourrait fortement reprendre si la Chine redémarre fort, ce qui est loin d’être exclu. L’offre mondiale, quant à elle, n’a pas sensiblement progressé. Si l’activité chinoise repart effectivement vite, une forte pression haussière pourrait voir le jour sur le marché et donc se retranscrire sur les cours. Cette semaine, le prix du brut pourrait se stabiliser, tout en restant volatile un jour sur l’autre.

Le cours du charbon toujours tiré vers le haut
Concernant le charbon, la demande mondiale continue de progresser et de tirer les prix à la hausse. En Europe, l’API 2 Rotterdam pour une livraison en 2023 (API2 Cal 2023) atteignait 260,00 $/t, soit 10,38 % de plus en une semaine. À court terme, la tendance reste également à la hausse. L’embargo sur le charbon russe réduit l’offre, et la demande ne faiblit pas avec un prix du gaz naturel toujours élevé. Cette nouvelle semaine, le charbon devrait rester sur cette tendance : forte volatilité et pression à la hausse.

Pour recevoir notre Hebdo de l’Energie en exclusivité directement dans votre boite mail, il suffit simplement de cliquer sur le lien ci-dessous :