8 juin 2022

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Temps de lecture : 8 minutes

Marché de l’énergie : analyse de la semaine du 30 mai 2022

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Chaque semaine, les experts de Capitole Energie analysent le marché de l’énergie pour apporter aux clients un éclairage sur l’évolution des prix du marché de l’énergie.

Découvrez dans cet article l’analyse de nos experts concernant les évolutions sur le marché de l’énergie pour la semaine du 30 mai 2022. Ils vous livrent leurs perspectives d’évolution pour les marché de l’électricité et du gaz mais aussi concernant les marchés des émissions, du pétrole et du charbon.

Marché de l’électricité

Un prix de l’électricité toujours élevé

Cette semaine, la courbe de long terme sur les marchés de gros de l’électricité en France et en Europe suit toujours une tendance à la hausse et les prix du contrat Cal 23 restent sur le support des 300 €/MWh. En cause principalement la reprise significative des prix des différentes sources d’énergies primaires (à l’exception du Brent mois +1 qui clôture sous le seuil des 120 $/bbl), notamment pour le gaz naturel. Il en va de même pour le prix des quotas d’émissions (contrat de référence Dec. 22) qui est toujours sur une tendance haussière depuis deux semaines. Le mercredi 8 juin, le prix de l’électricité en France pour une livraison le lendemain (France baseload day-ahead) atteignait en moyenne un prix de 185,19 €/MWh.

De nouvelles annonces d’EDF laissent à prévoir une baisse de la production

En France plus particulièrement, EDF annonçait durant la semaine une nouvelle baisse de production de sa centrale nucléaire de St Alban en raison d’un faible débit sur le Rhône, contraignant alors la capacité de refroidissement d’un des réacteurs. La disponibilité du parc nucléaire en France inquiète toujours, notamment en raison des annonces de maintenance de plusieurs réacteurs, mais également en raison des risques de canicules cet été qui pourrait forcer le ralentissement des réacteurs et augmenter la demande en électricité. Comme nous l’annoncions ces dernières semaines, les prévisions de production nucléaire sont historiquement basses en France, et les stocks d’hydroélectricité pourrait ne pas compenser cette baisse du fait des faibles niveaux de neige dans les hauteurs.  Avec une baisse de production prévue d’environ 25% cet été, la France pourrait pour la première fois depuis 20 ans être importatrice nette d’électricité.

Parallèlement, la CRE souhaite augmenter le volume d’électricité vendu au tarif ARENH aux fournisseurs alternatifs pour atteindre 130 TWh au lieu des 100 TWh initialement prévus afin de réguler le prix de l’électricité sur le marché de gros.

Une situation tendue à l’échelle européenne

Au niveau européen, EDF encore confirmait durant la semaine la fermeture de la centrale nucléaire d’Hinkley Point B cet été, réduisant alors l’éventail des options du Royaume-Uni permettant de sécuriser son approvisionnement énergétique. Cette situation de crise énergétique liée au conflit entre la Russie et l’Ukraine continue de pousser les prix du gaz à la hausse, ainsi que les prix de l’électricité en raison de l’appel des centrales à gaz pour répondre à la demande.

Ainsi, sur la courbe de long terme, les contrats pour une livraison en 2023 (Cal 2023 FR baseload) en France se négocient à 313,17 €/MWh le vendredi 3 juin, soit une variation de +10,56 €/MWh (+3,49 %) en une semaine. Pour les années suivantes, les contrats pour une livraison en 2024, 2025, et 2026 se négocient respectivement quant à eux à 220,13 €/MWh (+3,22 €/MWh), à 194,45 €/MWh (+2,62 €/MWh), et à 158,50 €/MWh (+12,25 €/MWh) le même jour. La tendance initiée en fin de semaine précédente s’est donc retournée cette semaine, avec des températures en dessous des normales de saison et une offre limitée. La production renouvelable reste mitigée selon les jours, et ne suffit pas à tendre les prix vers le bas à date.

La reprise à la hausse de cette semaine pourrait perdurer. Avec les réacteurs nucléaires en maintenance ou au ralenti, le manque de disponibilité du parc nucléaire pourrait impacter à la hausse le prix de l’électricité. L’embargo européen sur les importations russes est susceptible d’avoir un impact sur les prix de marché du gaz naturel et donc se répercuter sur les prix de l’électricité pour répondre à la demande. Cela représente-t-il une opportunité de renégocier son contrat de fourniture d’énergie ?

Tristan BAUDU, Analyste Pricing

prix électricité 2022

Marché du gaz

Les prix du gaz en hausse par rapport à la semaine dernière

La courbe de long terme sur le marché du gaz naturel est à la hausse, et les prix semblent rester au-dessus du support à 70 €/MWh., les prix pour une livraison le lendemain (prix spot) ont connu une tendance haussière au début de la semaine et ont été corrigés au début du mois de juin avec des prix proches des 70 €/MWh.

Le gaz toujours impacté par la situation géopolitique mondiale

Le contexte géopolitique avec la Russie est toujours source de tension sur le marché du gaz naturel. Malgré une demande qui devrait naturellement faiblir à moyen terme avec l’arrivée des températures estivales, le marché pourrait rester tendu en raison de la mise à l’arrêt et d’une production affaiblie des réacteurs nucléaires. En effet, la refonte des stocks de gaz ainsi que les estimations de production nucléaire historiquement basses en France nécessitant l’utilisation des centrales à gaz pour répondre à la demande d’électricité ne nous permettent pas de garantir une baisse des prix du gaz cet été.

La guerre n’est en effet pas terminée, et les sanctions de l’UE à l’égard de la Russie ne tardent pas à en subir les conséquences. Après avoir interrompu l’approvisionnement gazier à la Pologne, la Bulgarie et la Finlande, le géant russe Gazprom a coupé le gaz au Danemark à l’approche de la date limite pour payer les achats de gaz en roubles. La France semble être exemptée de ces sanctions russes puisque Engie a trouvé un accord avec Gazprom afin de continuer à payer les importations de gaz en euros. Même si la France n’est aujourd’hui pas concernée, la menace d’une coupure des robinets pèse toujours sur les pays de l’UE et exerce une pression haussière sur le marché du gaz naturel.

Un nouveau projet de gazoduc entre la France et l’Espagne

Le GRT gazier Teréga souhaite développer de nouveaux moyens de production et de transport de gaz afin de réduire la dépendance énergétique de la France à l’égard de la Russie. En effet, le gestionnaire du réseau de gaz du sud-ouest de la France évoquait durant la semaine sa volonté de doubler la consommation de biométhane à horizon 2030 ainsi que d’augmenter l’interconnexion énergétique entre la France et l’Espagne en relançant un projet de gazoduc permettant d’importer l’équivalent de 6% des approvisionnements gaziers de la France.

Une stratégie de stockage à l’échelle européenne

Du côté du stockage, le rythme soutenu des injections se maintient en prévision de l’hiver à venir. En France, le taux de remplissage des réserves atteint près de 54 % pour un volume cumulé de 71 TWh. Il faut rappeler que les Etats membres de l’Union se sont mis d’accord pour remplir leurs réserves de gaz à un niveau minimum de 80 % de leur capacité d’ici novembre (seuil minimal qui sera augmenté à 90% pour les années suivantes). Cette stratégie devrait permettre de compenser les risques d’approvisionnement en gaz russe pendant les périodes hivernales, période de l’année durant laquelle la demande en gaz est la plus élevée (même si les volumes stockés ne représentent qu’une partie limitée des besoins hivernaux).

Une tendance haussière à long terme

Ainsi, sur la courbe de long terme, les contrats pour une livraison en 2023 (PEG Cal 2023) se négociaient à 73,976 €/MWh le vendredi 3 juin, soit une hausse de +3,049 €/MWh (+4,30 %) en une semaine. Sur les années 2024 et 2025, le prix de négociation est respectivement de 57 €/MWh (+4,90 %) et à 48,803 €/MWh (+8,86 %) le même jour, confirmant l’incertitude planant sur l’approvisionnement en gaz dans ce contexte de crise ainsi que la tendance haussière à long terme. La demande reste globalement au même niveau que la semaine passée, donc plus faible et l’offre de court terme continue d’être bonne avec notamment le redémarrage de la production de GNL d’une usine norvégienne (Hammerfest) qui était à l’arrêt depuis septembre 2020.

Cette semaine, la tendance semble mitigée à court et à long terme. À court terme, malgré les retours de bâton en réponse aux différentes sanctions infligées à la Russie, l’afflux de GNL et la production de biométhane croissante permet aux prix de marché de s’orienter plutôt à la baisse. À long terme, en revanche, les inquiétudes concernant l’avenir de l’approvisionnement gazier en Europe reste une source d’inquiétude principale, et les prix de marché devraient plutôt s’orienter à la hausse.

Tristan BAUDU, Analyste Pricing

prix gaz 2022

Marché des émissions

Enfin, le marché des émissions reste très volatil également cette semaine, et suit sa tendance à la hausse depuis près de deux semaines. Ce vendredi 3 juin, le contrat de référence DEC.22 se négociait à 86,87 €/t, soit une variation de +2,67 €/t (+ 3,17 %). Cette reprise à la hausse du prix de la tonne de CO2 devrait à court terme impacter la demande en charbon à la baisse.

prix co2 2022

Marchés du pétrole et du charbon

L’or noir continue de suivre une tendance haussière depuis environ deux semaines et semble rester dans un corridor de prix compris entre 100 $/bbl et 120 $/bbl. Les prix du baril de brut sont nettement en hausse depuis le début de l’année 2021 malgré quelques corrections baissières ici et là. Les prix du début de semaine ont même dépassé les 120 $/bbl pour le Brent (mois +1) suivie d’une légère baisse sur la fin de semaine, permettant une clôture le vendredi 3 juin à 119,72 $/bbl pour le Brent (mois +1), soit une légère hausse de 0,24 % en une semaine. Le marché du brut subit une forte pression actuellement en raison de l’embargo européen sur les importations de pétrole russes. L’OPEP+ s’est réunie ce jeudi 2 juin face à cette flambée des prix du pétrole. Pour rappel, le cartel a un rôle de régulateur sur le marché afin de garantir un accès à la consommation de pétrole. Contre toutes attentes, ce dernier a annoncé une augmentation de son volume de production quotidien de 50% pour les mois de juillet et août 2022 afin d’apaiser le marché.

Cette augmentation de l’offre ne devrait cependant pas être suffisante pour compenser les volumes perdus de la Russie. Il est également important d’ajouter à cela la reprise économique de la Chine suite à son déconfinement qui devrait augmenter significativement la demande mondiale de brut et être facteur de hausse du prix du pétrole.

prix pétrole 2022

Les prix du charbon se stabilisent mais restent élevés

Concernant le charbon, les prix de long terme restent relativement stables cette semaine (Rotterdam API2 Cal 2023) même si les prix mondiaux restent globalement très élevés. Avec la reprise économique chinoise à venir, la potentielle augmentation de la demande asiatique, notamment pour la production d’électricité, devrait apporter un fort soutien aux prix d’ici à l’été 2022. En Europe, le charbon a toujours le vent en poupe, et même si des efforts sont réalisés dans ce sens (et que le prix des quotas repart à la hausse), l’ère du charbon n’est pas terminée. Ainsi, le vendredi 03 juin, le contrat API 2 Rotterdam (Cal 2023) clôturait à 228,47 $/t, soit +2,53% en une semaine.

prix charbon 2022

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