Nos experts de l’énergie analysent cette semaine l’évolution des prix du marché de l’énergie : électricité, gaz, pétrole… Découvrez leur compte rendu et leurs perspectives de progression pour les semaines à venir dans l’article ci-dessous.
Marché de l’électricité
Une semaine très volatile sur le marché électrique
Cette semaine a été synonyme de forte volatilité sur les marchés électriques européens et français. A court terme, les températures largement au-dessus des moyennes de saison, ainsi que la bonne production d’énergie renouvelable permet au prix de l’électricité de ne pas augmenter aussi vite que ces dernières semaines. A long terme, après avoir observé une tendance baissière lundi et mardi, les prix des produits calendaires (livraison 2023, 2024, 2025, et 2026) sont repartis à la hausse jusqu’en fin de semaine. La tension générale du marché du fait de la guerre en Ukraine et des premiers réels problèmes d’approvisionnement gaziers (notamment via l’Ukraine, et la Pologne) a continué d’orienter les prix vers le haut.
Les températures élevées pourraient réduire la production nucléaire française
En France, les fortes températures ont contraint EDF à alerter sur les potentielles baisses de puissance sur plusieurs de ses centrales nucléaires. En effet, beaucoup de réacteurs utilisent l’eau des cours d’eau et rivières pour refroidir le cœur des réacteurs. Or, ces fortes températures devraient perdurer pour les 14 prochains jours, ce qui pourrait apporter un coup supplémentaire à la production nucléaire française, et donc sur les prix de court terme en France. Historiquement, les centrales du Blayais, de Bugey (3,6 GW), de Saint-Alban (2,7 GW) et du Tricastin (3,7 GW) ont déjà été exposées aux fortes chaleurs, et pourraient donc à nouveau souffrir ce printemps et cet été de températures élevées sur une bonne partie de l’Hexagone.
L’actualité gazière pourrait réduire les coûts de l’électricité
Ailleurs en Europe, en Espagne et au Portugal, la proposition du projet de loi visant à plafonner le prix du gaz servant à la production d’électricité a été approuvée, ce qui devrait permettre d’augmenter leurs exportations, notamment vers la France, et ainsi voir baisser les prix de court terme. Ce plafonnement, prévu à 48,80 €/MWh, doit durer 12 mois, et devrait permettre de faire tomber le prix de l’électron à 130 €/MWh, contre près de 217 €/MWh en moyenne depuis le début de l’année en Espagne, et 229,81 €/MWh en France. Toutefois, l’Union européenne doit encore approuver officiellement ce plafonnement, ce qui pourrait prendre jusqu’à deux semaines, le temps pour les acteurs du marché de s’adapter au nouveau système.
Les prix de l’électricité toujours à la hausse
Ainsi, sur la courbe de long terme, les contrats pour une livraison en 2023 (Cal 2023 FR baseload) en France se négocient à 311,01 €/MWh le vendredi 13 mai, soit une variation de +9,01 €/MWh (+2,98 %) en une semaine. Pour les années suivantes, les contrats pour une livraison en 2024, 2025, et 2026 se négocient respectivement quant à eux à 217 €/MWh (+1,81 €/MWh), à 195,50 €/MWh (+9,60 €/MWh), et à 146,75 €/MWh (+4,12 €/MWh) le même jour. Sur les marchés, les hausses significatives des prix du gaz naturel, mais également du charbon, ont largement soutenu les prix de l’électricité à la hausse.
La volatilité des prix à court et long terme devrait rester forte cette semaine encore. La pression à la hausse exercée par la guerre en Ukraine reste forte, sur tous les marchés. Par ailleurs, le potentiel futur embargo européen sur le pétrole russe n’a sans doute pas encore montré tous ses effets, et l’approvisionnement gazier russe vers l’Europe pourrait connaître de nouveaux bouleversements. Affaire à suivre.
Loïc ARILAZA, Analyste Pricing Team Leader

Marché du gaz
La demande diminue et les importations de GNL persistent
Même son de cloche sur les marchés gaziers européens et français. Malgré la persistance des incertitudes et la coupure du transit de gaz par la Pologne et l’Ukraine, la hausse des prix mondiaux du charbon, la tendance de court terme est plutôt baissière, avec un afflux toujours conséquent de GNL. Par ailleurs, les températures chaudes pour cette période de l’année (et les prévisions pour ces prochaines semaines) permettent à la demande de gaz de reculer en France et d’atteindre 79,33 €/MWh pour le PEG mois+1 (-5,06 % en une semaine). D’ailleurs, les injections de gaz ne faiblissent pas, et le niveau de stockage français a près d’un mois d’avance par rapport au niveau de l’année précédente. A long terme, les prix pour une livraison en 2023 finissent également globalement à la baisse.
Vers un retour des tarifs réglementés du gaz à l’échelle européenne ?
Autre fait marquant de l’actualité, la Commission européenne soutient ouvertement les propositions de plafonnement du prix du gaz utilisé pour la production d’électricité. L’Espagne et le Portugal ont d’ores-et-déjà approuvé de telles mesures de soutien, et l’annonce officielle au niveau européen pourrait arriver ces prochaines semaines. La tendance est donc à l’interventionnisme étatique, tant le prix de l’électricité est corrélé à celui du gaz naturel et du charbon. Toutefois, même si de telles mesures semblent nécessaires pour la pérennité du système européen, les pays devront garantir l’absence de restrictions aux exportations frontalières et éviter de pénaliser les producteurs ayant déjà vendu leur production via des contrats de long terme.
Malgré l’actualité, on ne constate pas de diminution probante des flux gaziers en provenance de Russie
Du côté de la Russie, le géant Gazprom a cessé de livrer du gaz à certaines de ses filiales allemandes à la suite d’un décret du Kremlin jeudi dernier. Malgré cette annonce forte, aucune diminution majeure des flux gaziers n’a été constatée, en tout cas pour l’heure. Le marché parvient, pour le moment, à compenser l’arrêt des livraisons ici et là en provenance de Russie. Au total, près de 31 entreprises ne sont plus autorisées à faire des affaires en Russie et avec la Russie, en réponse aux sanctions frappant ce pays depuis l’invasion de l’Ukraine. La guerre est toujours présente, il faut le garder en tête, et l’Ukraine annonçait jeudi dernier l’arrêt du transit de gaz russe via le gazoduc de Sokhranivka, en raison de vol de gaz par les séparatistes pro-russes.
Le gaz naturel, et son prix, reste central dans le débat actuel. Les enjeux géopolitiques sont énormes et le prix continuera vraisemblablement à fluctuer, dans un sens comme dans l’autre, sans nouvelles annonces phares. Les tendances s’inversent rapidement, à la hausse comme à la baisse, mais les prix de long terme continueront de se maintenir à des niveaux très élevés.
Loïc ARILAZA, Analyste Pricing Team Leader

Marché des émissions
Le marché des émissions semble avoir trouvé une certaine stabilité cette semaine. Le vendredi 13 mai, le contrat de référence Dec.22 se négociait à 88,48 €/t, soit 3,06 €/t de moins par rapport au vendredi précédent. Ce début de semaine, le comité parlementaire environnemental doit statuer sur les réformes du système européen d’échange de quotas. Le marché semble attendre une hausse des objectifs des réductions des émissions à hauteur de 67% d’ici 2023, contre 61% prévus proposés initialement. Cette annonce ne devrait pas soulager le marché, bien au contraire. La liquidité des quotas reste d’ailleurs faible et les spéculateurs prennent positions, qui ne sont pour la plupart pas encore soldées. Le prix des quotas pourrait ainsi repasser au-delà des 90€/t.

Marchés du charbon et du pétrole
Les prix du charbon continuent d’évoluer à la hausse
Concernant le charbon, la demande mondiale ne cesse de progresser depuis la décision européenne de se passer du charbon russe. Pour compenser cette perte, les entreprises et les Etats doivent chercher de nouvelles sources d’approvisionnement de long terme, et s’orientent notamment vers l’Afrique où s’est déroulé d’ailleurs le Mining Indaba en milieu de semaine en Afrique du Sud. Des gouvernements comme le Botswana ont déjà reçu des commandes venues d’Europe, et prévoient de livrer près d’un million de tonnes par an. Le prix du charbon ne cesse de progresser à la hausse et le marché peine à trouver une certaine stabilité, partout dans le monde. En Europe, le prix du charbon (API 2 Rotterdam Cal 2023) clôturait à 233,025 $/bbl le vendredi 13 mai et continue d’être très volatile. La tendance de long terme semble toutefois être à la hausse ces prochains jours.

Le marché du pétrole reste très volatil
L’or noir repart à la hausse cette semaine après être retombé à 105,94 $/bbl en début de semaine. Le vendredi 13 mai, le Brent mois+1 clôturait la semaine à 111,45 $/bbl, soit en hausse de 5,51 $/bbl par rapport au lundi 9 mai. La volatilité du marché reste forte, et le prix a été soutenu à la hausse par la levée de certaines restrictions sanitaires à Shangaï, et un potentiel embargo européen sur le pétrole russe toujours d’actualité. L’offre mondiale reste limitée, et les pays de l’OPEP ne semble pas vouloir opter pour une stratégie différente, ou en tout cas significativement optimiste pour le marché. Sans nouvelles annonces de hausse de la production mondiale, et sans destruction partielle de la demande, les prix du baril brut devraient se maintenir autour des 110 $/bbl (Brent mois+1).

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