18 octobre 2022

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Temps de lecture : 9 minutes

Marché de l’énergie : zoom sur l’évolution des prix (gaz, électricité..) sur la semaine du 10 octobre 2022

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Chaque semaine, les experts de Capitole Energie analysent le marché de l’énergie pour apporter aux clients un éclairage sur l’évolution des prix du marché de l’énergie.

Nos analystes décryptent l’évolution des prix de l’énergie (gaz, électricité, pétrole, charbon et émissions) pour la semaine du 10 octobre 2022. Découvrez dans cet article leurs perspectives pour les semaines à venir.

Marché de l’électricité

Un marché dans l’attente ?

Cette semaine, la tendance de la courbe de long terme sur les marchés de gros de l’électricité s’est légèrement retournée à la hausse. Les prix du contrat CAL23 Baseload ont augmenté de +19,74 €/MWh en une semaine en clôturant à 550,55 €/MWh ce vendredi 14 octobre. Cette correction de la baisse amorcée depuis fin août ne contredit pas la dynamique sur un mois puisque la courbe de long terme reste en baisse. Le graphique de long terme en page suivante, illustre la forte correction du marché depuis la fin de l’été avec des prix qui semblent se stabiliser autour des 530-550 €/MWh.

La relance du nucléaire : une situation préoccupante

Alors que l’hiver approche à grands pas, la relance du parc nucléaire français semble pâtir des mouvements de grève des salariés du secteur énergétique. Initialement porté sur les sites de stockage de pétrole et sur les raffineries, le mouvement social semble prendre de l’ampleur. La grève s’est étendue sur plusieurs centrales nucléaires risquant alors de ralentir le redémarrage des réacteurs à l’arrêt. En effet, EDF a annoncé devoir repousser le redémarrage de 5 réacteurs pouvant aller jusqu’à plusieurs semaines pour certains. Les réacteurs concernés représentent un total de 4,5 GW de puissance : Cattenom 1, Cruas 2 et 3, Saint-Alban 2 et Tricastin 3.

Le calendrier d’EDF retardé

Pour rappel, EDF s’est engagé à relancer la production des centrales nucléaires à l’arrêt pour corrosion ou maintenance à horizon janvier 2023. Avec l’achèvement des travaux pour corrosion sur 3 réacteurs ces derniers jours, la capacité de production nucléaire est en hausse et approche les 30 GW. Cependant, le programme porté par l’énergéticien accuse déjà un retard par rapport aux échéances prévues. Il reste encore beaucoup à faire puisque l’objectif est d’atteindre la barre des 50 GW de puissance d’ici janvier 2023.

Un nouvel enthousiasme gouvernemental pour le nucléaire

Étant un mur porteur de la stabilité du réseau électrique en France mais également en Europe, le redémarrage du parc apparaît également comme un facteur baissier du prix de l’électricité sur les marchés de gros en réduisant le recours aux centrales à gaz, ou au charbon, notamment. Dans un contexte de flambée des prix et de problèmes d’approvisionnements énergétiques, le nucléaire semble gagner en popularité. Le gouvernement français présentera en novembre son projet de loi visant à développer de nouveaux réacteurs nucléaires afin d’assurer la sécurité énergétique dans une perspective de long terme. 

 

Malgré la tendance baissière observée sur les marchés de gros de l’électricité, les prix semblent stagner dans l’attente de réalisations concrètes. Les retards enregistrés par EDF quant au redémarrage de certains réacteurs maintiennent une pression haussière à moyen terme.

Alors que nous avons un mois d’octobre particulièrement doux permettant de réguler la demande, le marché connaîtra des périodes de fortes tensions avec la chute des températures selon RTE.

 

Bien que le remplissage des stocks de gaz en France et en Europe apaise les risques de pénuries, la situation du parc nucléaire est déterminante à l’approche de l’hiver. Les prix devraient rester au-dessus des 500 €/MWh à court terme. 

Tristan BAUDU, Analyste Pricing

graphique prix électricité

 

Marché du gaz

La tendance baissière se poursuit

Malgré une légère hausse en début de semaine, le prix du gaz naturel a diminué les jours qui ont suivi. Pour rappel, le 26 août 2022, le PEG CAL 2023 atteignait  297,35€/MWh, un prix jamais égalé à ce jour. En près de deux mois, le prix a perdu 51,44%, ce qui reste encourageant pour la suite. Les contrats pour une livraison en 2023 (France PEG CAL 2023), ont donc clôturé à 144,407 €/MWh ce vendredi 14 octobre, soit une baisse de 3,80€/MWh sur la semaine.

Le marché reste tendu

Actuellement, comme nous le savons, les producteurs de gaz ne sont pas nombreux. L’offre n’est plus aussi abondante que ce que nous connaissions avant le conflit russo-ukrainien, le marché est donc devenu très sensible à chaque perturbation. Par exemple, en début de semaine, les prix ont suivi une tendance haussière. L’évènement marquant de cette semaine fut la fausse alerte à la bombe contre une importante infrastructure gazière norvégienne. La Norvège constituant le premier pays fournisseur de l’Europe, il est logique que chaque perturbation au niveau de leurs flux sortants puisse avoir un impact sur les prix du gaz naturel. Cela peut expliquer la volatilité aussi importante du moment.

L’union fait la force

Plus la diversification des sources d’approvisionnement en gaz sera importante en Europe, plus le prix aura tendance à retrouver de la stabilité. A ce sujet, les mouvements de panique se font moins ressentir à mesure que les partenariats commerciaux se multiplient. La France a commencé à acheminer du gaz vers l’Allemagne, ce jeudi dernier, pour permettre de soulager les pics hivernaux à venir. En échange de bon procédé, l’Allemagne pourrait très bien fournir à la France de l’électricité si son système électrique basé sur le nucléaire venait à être fragilisé à nouveau. Les Etats-Unis fournissent aussi une quantité non négligeable de GNL à l’Europe : 44,6 milliards de m3 ont déjà été exportés en 2022, contre 26 milliards en 2020. De plus, un partenariat stratégique de long terme a été signé entre l’Algérie et l’UE, toujours dans le but de compenser les pertes russes. Suite à la mise en place d’un programme d’action d’urgence, l’Algérie pourra se permettre d’augmenter à court terme sa production, et donc fiabilisera ses provisionnement envers les pays européens.

Enfin, les stockages français de gaz étant pleins pour l’hiver 2022/2023, Strorengy (leader mondial du stockage souterrain de gaz) ainsi que Terega (un des deux gestionnaires du réseau de transport de gaz en France) ont commencé à proposer plusieurs modifications des modalités de commercialisation. De plus, les membres de l’UE seront contraints de se grouper pour acheter au moins 15% de leur gaz, dans le but d’assurer le remplissage des réserves pour l’hiver 2023/2024 à un prix plus attractif.

 

A court terme, tous les feux sont au vert pour que le prix du gaz puisse continuer à baisser. Les capacités de stockage de l’ensemble des pays de l’UE sont pratiquement à 90% et la diversification des approvisionnements progresse à une bonne allure.

A cela s’ajoute les objectifs de sobriété énergétique qui sont pour l’heure respectés. D’une part, les températures douces par rapport aux normales de saison, nous permettent de faire des économies. D’autre part, l’effondrement de la demande de gaz provenant de l’industrie lourde se fait ressentir.

 

A long terme, cela est plus compliqué. Le remplissage des stocks de gaz se fera désormais plus difficilement du fait des pertes russes. Sachant que les pays producteurs actuels ne peuvent pas élever davantage leurs flux, il faudra trouver d’autres alternatives pour subvenir à la demande de gaz dans les années à venir.

Yanice MEGUENNI, Analyste Pricing

graphique prix gaz

 

Marché du pétrole

Malgré la pénurie à la pompe, les cours mondiaux du brut chutent : entre récession et Covid en Chine

Cette semaine, le prix de l’or noir (BRENT de la Mer du nord, pour une livraison en décembre) recule pour atteindre 91,63 $/baril le vendredi 14 octobre, soit une variation de – 6,29 $/baril. Alors que l’OPEP+ décidait la semaine dernière de réduire ses objectifs de production de près de 2 millions de barils/jour, les craintes de récession mondiale ont permis au prix du brut de s’orienter à la baisse. Par ailleurs, la Chine, première importatrice mondiale, se voit contrainte de rehausser les restrictions sanitaires liées au retour de l’épidémie sur son territoire. Le dollar de son côté demeure plus que jamais la monnaie de référence au niveau mondial pour le prix du brut, et les taux de change ne cessent d’être en la faveur du billet vert. L’inflation galopante n’aide pas. Elle atteint des niveaux records partout dans le monde, et sera vraisemblablement à deux chiffres.

La demande devrait s’orienter à la baisse

Les analystes s’attendent donc à une baisse conséquente de la demande pour l’année 2023. Même si l’OPEP+ devrait rapidement réagir si la tendance se poursuit, le prix du brut, dans l’état actuel des choses, pourrait continuer de s’orienter à la baisse. Suite à la publication de la décision de réduire les quotas de production de l’OPEP+, les Etats-Unis envisageaient déjà de puiser un peu plus dans leurs réserves stratégiques pour alimenter l’offre. Finalement, les perspectives économiques pessimistes ont déjà porté leurs effets, sans intervention de l’administration américaine.

Nous le disions plus haut, la Chine reconfine et poursuit sa stratégie du « zéro Covid ». Forte importatrice et consommatrice en période de forte croissance, les importations devraient être revues à la baisse pour les semaines et mois à venir. Ce reconfinement reste un facteur baissier, mais personne n’est en mesure de dire combien de temps cela devrait durer.

De nouvelles sanctions contre les produits russes seront mises en place dans les mois à venir

Ailleurs, en Europe, les sanctions de l’UE sur le brut et les produits pétroliers russes prendront effet en décembre et février prochains, respectivement. De nouvelles sanctions pourraient être prononcées, y compris le possible plafonnement des prix sur les exportations russes. Les craintes sur les problèmes d’approvisionnement futurs persistent, et il nous semble important de le garder en tête.

Les stations-service françaises peinent à remplir leurs cuves

En France, la pénurie de carburant s’est intensifiée cette semaine. En cause, principalement les blocus nationaux dans les raffineries françaises. Même si certains acteurs sociaux se sont déjà retirés (les négociations ayant abouti à une proposition de hausse des salaires de près de 7%), la CGT, principal organisme syndical en France, n’a pas déposé les armes. Le syndicat réclame en effet une augmentation de 10%, pour suivre l’inflation bondissante.

Actuellement, près de 30% des stations-service en France peinent à remplir leurs cuves. Les distributeurs se sont vus contraints d’importer du pétrole raffiné, ce qui coûte bien plus cher que de le raffiner sur place. Au coût supérieur (lié à l’importation), s’ajoute la rareté. Le gouvernement juge la position de la CGT inacceptable et irresponsable. Pas sûr que cette déclaration fasse reculer le syndicat…

Les perspectives mondiales restent donc pessimistes côté demande, mais la pression sur l’approvisionnement perdure. Le prix pourraient, malgré les inquiétudes, repartir à la hausse pour se maintenir au moins au-dessus des 90 $/baril. Affaire à suivre avec attention.

Loïc ARILAZA, Analyste Pricing Team Leader

graphique prix pétrole

 

Marchés du charbon et des émissions

Le prix du charbon repart à la hausse, mais reste très volatil

Pour le charbon, la volatilité des prix est restée élevée cette semaine. Le vendredi 14 octobre, le prix européen pour une livraison en 2023 (Rotterdam API 2 Cal 2023) clôturait à 250,47 $/t, soit une hausse de +8,95 $/t (+3,71%) sur le vendredi précédent. Malgré la météo et des températures au-dessus des normales de saison (en moyenne, +1,57°C), le prix du charbon repart globalement à la hausse. La tendance baissière constatée ces dernières semaines semble être derrière nous. En effet, les prix de l’autre or noir avaient atteint des niveaux records depuis début septembre. Après avoir atteint des niveaux plus proches des fondamentaux du marché, les prix cherchent clairement à se stabiliser.

Si le mercure est bas cet hiver, le recours aux centrales à charbon pour la production devrait faire augmenter les prix, en tout cas à court terme. Même si l’objectif est à la sobriété énergétique, certains pays très dépendants du gaz russe devront se tourner vers le charbon. Si la demande vient à augmenter, la courbe repartira de plus belle à la hausse. L’hiver prochain garde son lot de craintes, et les prochaines semaines donneront plus de visibilité au marché européen.

graphique prix charbon

Le prix des quotas reste stable, dans l’attente de nouvelles mesures

Le marché européen d’échange de quotas d’émission reste relativement stable cette semaine. Le vendredi 14 octobre, le contrat de référence EUA Dec.22 clôturait à 68,02 €/t, soit -1,83 €/t en une semaine (-2,62%). La spéculation semble être moindre sur ce marché, et les acteurs semblent attendre les futures décisions européennes pour trouver une direction claire. La crise énergétique bat toujours son plein, et les réductions de production qui en découlent pour les entreprises grosses consommatrices et/ou polluantes montrent toujours leurs effets.

Au niveau européen, des modifications réglementaires doivent être apportées au système, notamment sur l’allocation des quotas ou encore les secteurs soumis ou non à celui-ci. En attendant, le prix des quotas d’émission se maintient dans le corridor de prix de 65-70 €/t. En fin de semaine, il est toutefois à noter que le prix reprenait des couleurs suite à la hausse du prix des garanties de capacité pour l’année de livraison 2023. A l’approche de l’hiver, les prix des EUA pourraient remonter, dans la mesure où les centrales thermiques seront plus ou moins fortement sollicitées. A suivre.

graphique prix co2

 

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